J'ai rencontré l'homme en bleu au bord d'une falaise C'était un dimanche de décembre La mer était verte bordée de blanc Elle ne bougeait plus Elle restait là immobile à nous regarder L'homme en bleu me parle longuement Il me dit que le voyage sera long Que je devrais tout laisser ici Il parle à mes mains Il dit que la sagesse vient des plis de la peau Il s'arrête de parler Il marmonne qu'il en a déjà dit trop Nous nous retrouvons dans une vallée remplie de galets Ils sont jaunes et roses Comme le ciel et l'eau des rivières L'homme en bleu marche pieds nus Il me dit que le ciel est un ogre Qu'il avale les âmes et les paroles Qu'il recrache la mémoire des hommes Il en a déjà trop dit Je me sens un étranger dans ce monde L'homme en bleu dit que je ne dois pas avoir peur Que la peur mène à la mort Et que la mort disparaît lentement Je ne comprends pas mais j'écoute ses paroles Le bruit des cailloux ressemble au roulement des vagues qui n'existent plus C'est un orage fou qui se déroule sous nos pieds L'homme en bleu me dit que je n'existe pas Je ne fais même pas attention Il dit que l'eau nous avale Il dit qu'elle est toujours la plus forte Il répète: l'eau est toujours la plus forte Il ne veux pas m'en dire plus Je m'endors debout je fait un rêve étrange Ou l'homme en bleu me dit qu'il est à plusieurs endroits en même temps Je ne comprends pas Et il en a déjà trop dit Je me réveille, je continue de marcher sans m'en rendre compte Nous ouvrons une porte qui était apparue entre deux arbres Nous nous retrouvons en bas d'une falaise L'homme en bleu me dit de me retourner vers la mer Je me retourne et il n'est plus là Et d'un coup le sol tremble Et l'horizon bascule lentement vers la gauche Il devient vertical Je ne crois pas ce que je vois L'horizon a basculé L'homme en bleu réapparaît Il me dit que ce sont des horizons verticaux Et que je n'existe plus